Un jour de l'été 2000, en convalescence chez papa-maman à Clouange, Moselle, pour cause d'explosion du coude consécutive à une bagarre molle sur le parvis du mythique McDo Guillotière, votre serviteur s'est retrouvé dans la cave d'une maison de la vallée sidérurgique dite de l'Orne, à écouter les bandes enregistrées chez lui par un tout frais bachelier, ami du frère d'un ami d'enfance.
Là, on découvrait déjà l'influence criante de Pavement, des Beach Boys, de Stevie Wonder, de Neil Young, de Fleetwood Mac. Et pas mal de génie aussi – faisant regretter que le dénommé Vincent Mougel, que l'on avait déjà perçu fasciné par la figure du loser magnifique, ne s'en aille suivre quelque prépa, littéraire si on se souvient bien, à Strasbourg. Après quoi on ne l'a plus jamais revu.
Pas autrement du moins qu'en suivant à distance et bien plus tard sa progression de musicien touche-à-tout finalement débarqué à Paris, aux côtés notamment du Variety Lab de Thierry Bellia – comme sur l'excellent Team Up ! – Orval Carlos Sibelius, Herman Düne ou Zombie Zombie. Quelles étaient les chances de se retrouver un jour à écrire sur cette rencontre et ce musicien qui sort (enfin !) son premier album ? Elles étaient nulles et pourtant nous y voilà.
Typical Captain Achab
Or, en 15 ans, Vincent Mougel, qui officie sous le nom de Kidsaredead, n'a non seulement rien perdu de son timide mojo mais surtout l'a fait éclore comme une orchidée géante et un peu monstrueuse, à l'image de la créature très danieljohnstonienne de la pochette de The Other Side of Town, ce fameux premier album.
Un disque foisonnant de tonnes de références magnifiquement digérées parce que fruit d'une longue gestation, celle d'une vie quasiment, où il a laissé le champ libre à ses élans atavico-nostalgiques – des disques de papa à l'idée de l'enfance perdue après laquelle on court toujours un peu, certains plus que d'autres. Cerise nostalgique sur le gâteau, le clip de l'excellent Typical Captain Achab est tourné à Clouange, une ville moche mais belle, de celles dont on dit, comme on l'a fait pour Zlatan et son quartier d'origine Rosengård, qu'on peut en sortir mais qu'à l'inverse on ne peut les sortir tout à fait de soi.
Et votre serviteur, qui s'excuse pour ce débordement, est à peu près aussi fier de ça que du moment où, même s'il ne s'en souvient pas très clairement, cette petite cité millénaire remporta en 1979 le titre de ville de moins de 10000 habitants la plus sportive de France. Présentement, Kidsaredead fait un peu figure de deuxième trophée.